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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 12:11

Quelques mots encore

 

À Annie Cohen

 

 

 

 

Nous ne nous nous sommes promis qu’une tombe, en commun, seulement un lieu où déposer l’un après l’autre nos corps. Déjà le cinéma est un cimetière. Est-il moins beau ou plus beau que celui que nous choisirons. Nous deviendrons deux gisants, comme ceux, si beaux, de la grande salle de l’abbaye de Fontevraud. Je pense à nous à Chinon, bientôt à Saint Denis où nous allons aller par la ligne de métro numéro 13. Nous sommes des rois. Nous appartenons à la terre des rois, des reines. Nous sommes des pauvres.

Nous n’avons pas connu le divertissement, mais la joie irraisonnée de s’être choisis pour inscrire sur un mur invisible nos rêves, nos désirs, notre espérance, notre enthousiasme de vie. Nous avons médité sans le savoir, une méditation improvisée, celle qui ouvre la porte rayonnante de l’immortalité, de la divinité. Divinité venue du fond de la Poterne des Peupliers quelque part dans la périphérie parisienne, endroit circulaire, lieu enveloppant et entêtant où tu allais guetter des heures entières l’éventuelle nécessité de devenir folle.

J’écris pour toi dans le silence de l’orage du mois d’Août, de ce mois toujours impossible à vivre, qu’il nous faudrait retrancher de notre calendrier et qui sera retranché justement dans notre devenir immortel, notre éternité ainsi retrouvée où les calendriers aplatis ne viendront plus troubler la fragilité de notre existence.

Une espèce d’obscurité envahit la France, les plaies d’Egypte sont revenues. Les cinéastes d’Europe meurent et nous laissent dans notre désarroi, face aux puissances du spectacle qui réclament toujours plus d’esclaves, mais ces esclaves sont arrogants, ils sont solidaires de leurs maîtres, ils veulent avec eux nous enchaîner, nous entraver.

Quelques écrivains s’enhardissent à lutter contre le système avilissant du libéralisme culturel, deux ou trois livres plus ou moins récents tentent de nous entraîner vers la révolution, la rébellion : « Zagdanski écrit : « La mort dans l’œil », Peter Watkins a écrit « Media crisis » et Pascal Mérigeau : « Cinéma : autopsie d’un meurtre ». Lisons ces livres, comprenons que va se jouer une guerre redoutable contre les producteurs de spectacle et les auteurs d’un free cinéma qui va éclater grâce aux outils nouveaux de filmage.

Nous changerons les habitudes du regard.

Nous filmerons l’infilmable, nous laisserons des œuvres lentes, minimales, simples, sans histoires obligatoires, sans fictions fictionnées, nous allons devoir nous battre pour forcer les diffuseurs à diffuser et non pas à vomir leurs tristes productions. Nous ne demanderons pas au peuple de nous soutenir, nous filmerons contre le peuple, comme nous aurons filmé avec lui dans les luttes exemplaires qui suivirent Mai 68, le sublime mai 68, qui nous clive de ceux qui ne voient en lui que désordre, anarchie et luxure. Nous voulons créer des films du désordre, de l’anarchie et de la luxure, nous voulons nous affranchir des lois des codes des obligations qui tuent, qui étouffent, qui enterrent le cinéma, le free cinéma, le cinéma de la liberté, le cinéma qui rejoindra les arts de l’écriture, de la peinture, de la musique contemporaine, on dit savante, je crois aujourd’hui, drôle d’idée d’appeler les avant gardes  savantes !

Le cinéma dégrade l’écriture du film écrit sur le papier, il faut alors ne rien poser sur le papier, ne plus écrire de scénarios, improviser, improviser encore. Prévoir le moins possible, prévoir le strict minimum.

D’une manière discrète j’ai pris des images de toi, depuis ton accident si grave. (J’ai regardé ta photo posée sur la bibliothèque, il était deux heures du matin, j’ai pensé devant cette photo prise par un photographe de Gallimard, que ce serait cette image-là, la dernière, je l’ai regardée dans un calme hébété, avec un sentiment de l’irrémédiable si fort – on m’avait dit à l’hôpital que je ne devais pas m’attendre à … Cette photo où tu es si vivante, si toi, si belle, un peu posée, déjà lointaine, déjà dans l’histoire de ton histoire, c’était la frontière de la vie.) Depuis je t’ai beaucoup filmée avec les mini caméras aussi brillantes que le 16 millimètre ou aussi valables que le huit, ou le super Huit. C’est direct. Sans intermédiaire. Comme le clavier de cet ordinateur et les mots que notre bref délire pianotent.

 

Nous aurons souffert avec cette affaire de vouloir faire du cinéma. J’ai pensé que ce que je faisais était des brouillons, je regarde l’un de mes films tournés en 1976 (Guerres civiles en France) et j’y vois cette marque curieuse de l’inabouti pour l’inabouti, devoir finir, devoir aboutir serait un complexe de mort, mais au contraire ne pas terminer, recoudre sans cesse, recommencer le matin défaire le soir. Ne pas mettre en forme, avoir résisté presque toute une vie pour ne pas mettre en ordre pour demeurer dans un refus d’organiser l’espace, de plier devant la chronologie, de s’allonger devant le leurre. Contrarier toujours l’effet de réel du cinéma, pour le dégager de cette lourde mascarade de vouloir faire croire au fantôme de la vie.

Dans Tag le film que j’ai tourné à Genève, on distingue de toi quelques images dans le noir, à l’infra rouge, dans ton sommeil, et puis on bouge un peu dans l’appartement, on remarque des outils qui te permettent de peindre à l’encre de Chine ton œuvre au noir et puis on passe. On revient à ma marche sans but sur les bords du lac. Le texte qui accompagne le film s’adresse à toi qui est restée seule à Paris, peut-être l’une des toutes premières fois depuis l’accident cérébral. Je te parle au téléphone. Je te décris ce que je tourne, j’enregistre  le son et tu verras plus tard les images. Nous sommes en Juillet 2000.

Je me demande si je regrette de ne pas avoir des images de toi plus jeune, lorsqu’on s’est connu par exemple. J’ai fait restaurer un film que tu as tourné avec des camarades durant les grèves de Thionville en 1973. On ne te voit pas ou presque pas. Tu poses les questions aux filles des ateliers, ce sont les filles qui sont en grève ou qui viennent de l’être. Ce sont elles   qu’on voit et qu’on entend, et puis vers la fin du film, on te voit, on te surprend, tu es dans le cadre avec ces jeunes femmes, ces travailleuses aux discours émouvants et terribles quant à leur conditions d’existence, à leur reprise du travail, à leur désespoir et toi, tu es présente dans ta jeunesse, dans ta révolte dans ton engagement. Je crois que tu ne songes pas encore tout à fait à écrire mais le moment approche, ce moment-là que je vais connaître quelques mois  plus tard, celui des premiers vrais mots assemblés les uns aux autres pour former un court récit inaugural dans lequel tu jettes tout comme le sont ces textes magiques de la jeunesse qui ressemblent plus à un bouillon de sorcière qu’à un chant d’église. A cette époque je gaspillais ma vie dans la production de films improbables comme celui que j’évoquais en le qualifiant de brouillon.

Les filmographies se transformeront. Peu à peu nous oublierons le comment du pourquoi de ce premier siècle du cinéma. Les œuvres se feront autrement, se verront autrement. Tu te souviens de notre voyage à Lille. On projette un film que j’ai fait seul et dont je suis le sujet. Moi et l’appartement que j’habite rue de Rivoli, un petit appartement dont les fenêtres ouvrent sur des murs, toutes les fenêtres, celle du salon du bureau de la chambre. Chaque pièce à une cheminée qui marche et l’hiver il y a trois foyers qui éclairent et réchauffent cet endroit presque enfoui telle une caverne au cœur de ce quartier, à deux pas de la Seine. Tu te souviens de la projection, tu as crié à la fin du film. Tu as crié quelque chose au sujet du film ou de la manière de faire des films, comme si tu avais vu un événement qui ne se voyait pas. Le film s’appelle « Une voix encore ». Il a le titre, à quelque chose près de ce texte.

 

C’est compliqué de conserver les films. Je ne sais pas si les miens existent encore. Il est possible qu’ils se détériorent jour après jour comme une œuvre éphémère. Le contraire du pourquoi du cinéma. C’est la chose la plus difficile à faire au cinéma, que ce soit une œuvre éphémère. C’est une bonne piste pour faire des nouveaux films. Les livres ont un peu plus de chance de rejoindre les creux des gisants que nous serons. Les sarcophages supportent mieux l’écriture que les projections cinématographiques.

 

Les films sont gravés maintenant sur des tout petits disques. On peut mettre un long-métrage dans sa poche. Ce sont des films de poche. C’était inimaginable, « La comtesse aux pieds nus » calée au fond d’une poche d’une veste quelconque.

 

Il se fabrique un film sur ton travail depuis l’année 1999, dans quelques jours avec quelques mots encore, tu vas terminer les entretiens de ce film qui pourra alors lui aussi se terminer. Quelques images, des mots, des lectures, la trace vivante de ton corps de ta voix. Le cinéma est une tombe, joyeuse ou triste, ambitieuse ou discrète, vivante ou insignifiante. Une part d’éternité se joue avec ce support artistique inventé par le diable avec l’aide des frères Lumière. On  dit pour terminer une prise de vue cinématographique : « coupez », on ne dit pas Lumière ! Le cinéma jaillit toujours de la nuit noire.

 

 

François Barat, 7 Août 2007.  

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8 mai 2023 1 08 /05 /mai /2023 12:12

Je n'ai jamais aimé les émissions sur le cinéma. Jamais. Comme je ne suis pas trop fan des émissions littéraires. J"ai à peine vu hier quelques moments de celle (émission sur le cinéma) de Monsieur Lescure notre ministre de la Culture par intérim . Et j'ai surtout aimé la promenade dans le  quartier de Montmartre en plein soleil et très beau que fit Lescure avec Melville Poupaud dont j'ai à peine vu les films. Ce quartier c'est le mien et avec lui j'ai essayé en marchant de penser le cinéma depuis que j'ai 16 ans. Vous allez croire que je ne vois rien que je n'aime rien et c'est un peu vrai. Depuis longtemps je ne vais plus au cinéma  et même je ne me rappelle plus vraiment quel film j'ai vu en salle qui m'ait causé une émotion complète. Sauf à la cinémathèque il y a deux ou trois ans à la veille du Covid, une copie extraordinaire de Son nom de Venise dans Calcutta désert. Depuis changement de vie. Annie est paralysée dans sa chambre qui parfois elle ne reconnais pas. Je vis les aller et venu des aides soignantes. J'apprends à connaitre ce métier singulier entièrement dévoué au service des malades des paralysées des abandonnés. Ils vont nous laver, nous changer pour certain donner les médicaments surveilleras tension l'oxygène, aides soignants soyez bénis de faire ce travail qui vous met au contact des corps en pré décomposition. Depuis septembre 2022 Sony notre auxiliaire de vie partage notre maison plusieurs heures par jour et protège accompagne nourrit Annie dont  Le dernier livre est sorti il y a un peu plus d'un an, aux éditions des femmes; le dernier des derniers car elle n'écrira plus, ne marchera plus, ne dessinera plus. Ses mains, ses jambes sont nouées par un fil invisible un noeud invisible dans le cerveau. De son lit elle voit le Panthéon. L'immense ciel au dessus des Reculettes. Les armoires sont pleine de protections, d'alèzes, de gants de toilette  à usage unique. Et son bureau est recouvert de toutes les crèmes, les pomades, les savons de marques les shampoings japonais et ses parfums viennent d'Italie et de chez Dior. Les étagères du dressing regorgent des médicaments, antipsychotiques, antidépresseurs anti épileptiques, anti douleur simple et morphine comprise. Son lit possède un super matelas qui bouge et dont le compresseur ronronne doucement. Depuis quelque temps elle a un télévision bizarre qui fonctionne comme un ordinateur et en Wifi ce qui l'a rend difficile à manipuler. Annie d'un oeil regarde les documentaires sur les oiseaux, les ours, les renards, les baleines, les continents qui s'effondrent les feux de forêts, les catastrophes mondiales mais ne regarde jamais la guerre en Ukraine. Le couronnement ubuesque du Roi Charles d'Angleterre et l'incontournable Naguy et son télé crochet avec lequel elle s'endort après la prise de  tous les médicaments. Il y a longtemps que je n'ai pas écrit sur ce blog que j'écris pour mes amis de blog. Ce petit travail prolonge les deux derniers livres d'Annie et je l'écris après avoir terminé un grand livre sur notre vie d'artistes et de mari et femme d'ELLE et moi. Le livre s'appelle Sainte Rita. Je n'ai pas d'éditeur et cela va être une galère. Il faudrait bien faire les choses car le livre livre les instants de toute notre vie centrée sur l'écriture, le dessin et le cinéma. Annie immobile. Il faudrait en hommage lire Les musiques de l'âme  qu'elle a terminé avec un doigt dans son lit de paraplégique et puis stop. Alors le moins que vous pouvez faire c'est de le lire une sorte d'obligation pour honorer la fin d'un écrivain la fin du texte le bout de la jetée avant le naufrage. Il n'y a rien à regretter. Je n'ai pas une vision très sûre de ce qu'elle pense. Elle n'est pas silencieuse mais la mémoire parfois s'effrite celle du présent et moins celle du passé. Elle ressemble à Sartre qui peu à peu ne pouvait plus rien faire et au même âge qu'Annie, 80 ans. Elle ne lit pas, n'écoute pas de la musique, elle voit, elle entend et elle a souvent faim. Parfois elle téléphone à une personne qu'elle aime, une ou deux qui sont fidèles. Ou à l'association des aides soignants pour dire son inquiétude d'un retard ou d'une mini cata avec ses protections. On le fait nous et Sony alors. Mais elle insiste pour téléphoner tout de même. Faut la moucher et la gratter. Et la faire boire et la laisser fumer ses cigarettes spéciales et la surveiller pour qu'elle n'enflamme pas son lit, l'appartement et peut être l'immeuble où elle vit depuis 50 ans. Jour après jour. Dés que je suis dans mon bureau Lola vient soit sur le petit lit soit dans son panier sur mes pieds. C'est inévitable. Lola est une bichonne maltaise. Elle a neuf ans et nous sommes allés la chercher à Stella plage après la mort de Rita qui fut un brutal événement car elle est morte sans prévenir en une semaine, le veto a dit on ne peut rien faire : ses poumons sont plein d'eau. Lola a une vie calme car nous ne bougeons plus. Elle est allé à Toulon au début, et en Normandie chez Liliane qui élève des chevaux, une copine du mouvement d'Annie. Si j'ai un regret, j'aurai voulu avoir des chevaux, et savoir monter à cheval. Une fois nous en avons acheté : une jument  Swett Nana mais on n'a pas pu la garder c'est trop cher d'entretien un cheval de course, mais Swett est toujours dans nos coeurs. C'est mon seul regret, pour le reste de ne savoir rien faire ne me trouble pas. Je sais cuisiner sobrement et j'ai pu nourrir Annie avant l'arrivée de Sony, j'écris un peu comme je peux, avec des fautes d'orthographes nombreuses, je crois faire su cinéma mais je ne sais pas trop ce que je fais. Pour le reste ma vie active à L'IDHEC, et à La FEMIS j'ai pu cacher par l'humour l'horreur que j'ai des écoles de cinéma qui ne servent à rien sauf à créer des baronnies. J'ai fait alors le Céci au Moulin car offrir des espaces de liberté aux artistes ça me semble basique et nous y fumes très heureux quant au Grec c'est le nec plus ultra de la manière d'aider la jeune création cinématographique à naitre. C'est dit ! comme dans la chanson de Calegero. Et les autres ateliers ou Documentaire sur grand écran, je ne trouve pas que c'était du travail mais une espèce d'aventure dans une forêt brumeuse. Toutes sont en activité car elles ont trouvé le sens de leur travail et c'était nécessaire. Il faut que je vous dise un mot de mes soirées. Quand le couvre feu à sonné et qu'Annie a réussi à s'endormir, je erre un peu dans le noir. Car je ne suis pas un travailleur du soir, ni un lecteur, ni un musicologue. Alors comme le peuple de base je regarde la télévision. Dans le grand fauteuil noir, Lola dort déjà à deux pas. Et peut être qu'Annie ne fera pas de cauchemars, ni ne criera pas. Je suis seul. Dans l'oubli de moi, je pense à ce que je fais pour ELLE, je crois que je ne fais pas ce qu'il faut mais je ne sais pas ce qu'il faut, personne du reste même ses médecins ne savent pas trop. 

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1 avril 2023 6 01 /04 /avril /2023 12:18

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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 10:11

Mon cher journal, je te retrouve après tant de mois passé loin de toi. Ai-je pour autant vécu de grandes choses, était ce nécessaire de voyager, de s'éloigner de la maison au risque d'évoquer Ulysse. Je n'ose pas tourner tes pages, j'ai peur de découvrir ta nudité, et l'âge ne fait rien à l'affaire. Au fond j'ai été très malade. On me le dit. Est ce vrai ? La maladie aura beaucoup compté dans ma vie. J'ai une maladie inédite dont je ne connais pas le nom. Je perçois tout de même ses symptômes. J'éprouve en général un blocage à toute activité, une difficulté à me retrouver sous les ordres de tel ou tel, ou untel et untel. Aussi depuis de bien longues années j'ai renoncé à tout patron ou patronne. Je crains les impulsifs mouvements du coeur et de l'âme qui pourraient me faire renoncer à mon choix de ne plus bouger. En ce moment nous sommes écrasés par l'incertitude de notre démocratie, de la République, de nos libertés et éberlués par l'état du monde, partout la guerre nouvelle se précise, car il est bien évident qu'il faut tout revoir, garder le bon, bannir le mauvais comme dans les évangiles le bon grain de l'ivraie. J'ai dû assommer tout le monde avec des propos sans effets sur les cinéastes. La vitesse générale est si grande que rien ne va l'arrêter. Un flot discontinu de films dont les affichettes nous invitent à croire que : ce film est une merveille, un bijoux, une féérie, une découverte heureuse, vous voyez, tous les films bénéficient d'adjectifs admirables.

On a voulu rendre un hommage aux films historiques que j'ai produits dans les années 70 de 1900, et puis l'épidémie s'est abattue sur la cinémathèque et l'hommage auquel je tenais qu'à moitié a sombré avec les milliers d'autres spectacles en France. J'ai vécu, les grandes difficultés d'Annie Cohen mon épouse, à laquelle il a fallu apporter le soutien de l'amour et la force physique. Durant l'été 2019,  malgré la dépression et peu à peu la disparition de la marche, ELLE a peint une quinzaine de gouaches évidemment remarquables et a pu corriger les pages de son dernier livre Puisque voici l'aurore, qui est paru aux Editions des femmes, le 20 janvier 2020. C'est à dire il y a quelques mois, juste avant le Virus. J'ai écrit il y a longtemps un livre : Le cinéma existe-t-il ? Et voilà qu'il disparaît à cause d'un danger plus redoutable que la guerre puisqu'on fit beaucoup de cinéma durant la dernière guerre mondiale.

Ouf un peu d'air avec ce confinement.

J'éprouve un sentiment de soulagement de voir la liste incessante des sorties de films. Ce qui interroge toujours sur qui fait quoi ? Quel est le but de ces films qui nous tombent dessus en pagaille. On ne sait pas. D'autant que tout ce qui peut être assimilé à l'avant garde ne trouvera plus de financements dans les institutions nationales comme le CNC. D'ailleurs existe-il toujours ? Est ce que vous avez des nouvelles de lui, bonnes ou mauvaises. Moi j'ai des nouvelles de ma maison d'auteurs la Scam, qui semble aves les autres Sociétés avoir un rôle essentiel et nouveau à remplir. 

Donc à la maison on fait de la peinture géniale et on écrit des livres d'une force  et d'une écriture somptueuse, et moi je finis le montage de mon dernier film 32 rue Fontaine avec l'aide d'artiste monteuse et d'ami du son. Le film sera fini d'ici la fin de l'année. Entièrement financé par des fonds privés ! Des petits fonds. La moitié du film a été tourné en 1986 en 16mm au 32 rue fontaine l'appartement où je suis né et où j'ai vécu jusqu'à mes 17 ans. Et une séquence si curieuse de mon film Raoul G, qui n'avait pas été montée. Le tout faisant environ 45 minutes. Je songe avec l'accord de Jean Mascolo à tourner : L'homme assis dans le couloir de Marguerite Duras, et puis ce qui sera mon dernier film : La délivrance de l'aube, le tout avec le soutien de ma Production Stella Productions située à Bastia. Soutien de la collectivité corse si souvent et alors grands remerciements car comment aurais je pu faire ?! J'ai trouvé le titre du livre qui parait dans la collection de Michèle Ramond : Créations au féminin, L'Harmattan : Rue Blanche. Voilà de longues années que j'écris ce livre qui se promène dans les événements de ma vie de ma jeunesse encore et de la suite de ma création cinématographique et de mes responsabilités dans les espaces du cinéma comme le GREC. Il paraîtra dans les prochaines semaines. C'est un moment basique d'autant que le temps va peu à peu nous manquer à Annie et à moi. On aura accompli un destin. Une forme de destin ensemble depuis 1978. Novembre 78 où nous nous sommes rencontrés. Le livre dit tout ça aussi et le reste... Isolé je vois bien que faire des films à cheval moderne et à cheval à l'ancienne est devenu impossible. Je remarque bien de rares entreprises de cinéma mener à bien avec de pauvres moyens et des résultats, semblent-ils, dignes de l'art une vraie démarche artistique.

La question  posée : est ce que le cinéma d'aujourd'hui est de l'art ou un simple divertissement sous toutes ses formes fait par des artistes très artistes mais oublieux de l'art lui-même. Et comme toujours ce n'est pas le cas du théâtre, ni de la danse ni peut être de la musique. Ce sont les variétés chansons qui sont à la mode et sucent les énergies et les désirs. Tout le monde veut il être chanteur ? Oui, comme footballeur. Devenir chanteur et devenir acteur ensuite. Alors je ne vois pas de films. Parfois en diffusion télévision. Rien de très marquant. Ne plus marcher, ne plus avoir l'envie du voyage, les amis se font discrets, on est moins réceptif, on sens que l'aventure s'achève doucement que nos vies s'enlisent dans les sables mouvants de l'éternité. Au journal intime, il faudrait confier ses peines et ses joies. J'écoute Chopin. Tout Chopin. Mais je ne ferai pas le film, non pas sur Chopin, mais sur une pianiste qui répète tout Chopin, sous le regard invisible pour elle d'une personne qui l'écoute en secret et bien d'autres choses. La radio longtemps m'a rendu une liberté perdue, un contact aux autres devenu difficile, impossible. Avec la radio on peut entendre des lectures, des musiciens, des chanteurs, mais pour les plasticiens ce n'est pas commode, les cinéastes non plus, d'autant que leurs interventions restent loin de l'intérêt de  celles des poètes, ou des  artistes dont on peut diffuser les créations : radiophoniques, théâtrales. Les philosophes aussi sont bons à la radio. Rien ne changera donc. D'ailleurs on est bien incapable de dire ce qui doit changer : les bas salaires oui, les services de santé oui, la police oui, l'école oui, les syndicats oui, enfin tout ce que le peuple souhaite, pas de guerres de religion oui, les loyers moins chers, construire des logements, en fait, une meilleure organisation matérielle sans qui la justice sociale et le progrès ne se feront pas.

Ne plus visiter le monde. Rester immobile. Moi au contraire de BHL j'ai aimé voir les animaux revenir dans les villes. Il y a beaucoup à espérer du retour  des animaux, de la transformation de l'agriculture et de l'appauvrissement du tout Viande. On peut bien réguler la mort de toutes ces bêtes qui humiliées trouvent inconsciemment une espèce de vengeance innocente dans le virus qui immobilise, paralyse  le monde.

Le chantier est considérable. On est ruiné mais on trouve 500 milliards d'euros et plus sans doute, on nous explique la dette flottante qui par un jeu d'écriture comptable est renvoyée aux calanques grecques. Vous avez une petite dette ou une dette sérieuse maintenant, vous ne dormez pas, vous songer à mourir dignement, mais les responsables ont l'air de bien se porter et de réfléchir au chemin que l'exode va nous forcer à prendre. Notre petite dette ne flotte pas, pas d'écritures comptable chez le citoyen de base, la faillite et c'est tout. Et la misère.

Peut être on pourrait prendre nos dettes et repartir à zéro vraiment. Mettre les compteurs à zéros. Se presser de ne pas remettre en route tout ce qui pollue, tout ce qui exploite les femmes et les hommes, revoir les transports, le travail, les tours, la grille des salaires, la manières de soutenir les investissements autre que par les bourses et les dividendes. Ne pas hésiter à taxer les riches qui sans aucun doute ne sont pas blanc bleu. Faut bien voler tout le monde pour dégager des marges très importantes. Des choses comme ça. Enfin faire le bien pour l'humanité.

Voila un extrait de Rue Blanche le livre à paraître bientôt bientôt :

1977. Margency, l’autre jour c’est-à-dire il y a quelque temps, Worth m’a rappelé cet épisode. Il est venu un jour dans mon bureau (je produisais des films), il m’a dit, j’ai trouvé la maison de notre film, (il voulait dire de son film) et cette maison, il m’a emmené la voir et c’était à Margency, une dépendance du collège où je surveillais l’internat, une maison non loin de celle où Chéreau venait de terminer un tournage avec Simone Signoret, l’histoire d’une patronne de presse. (Nous étions au moment où les journaux passaient dans les mains de ceux qu’on appelait les gros capitalistes.) J’avais enfoui ce passé, d’autant que jamais je ne songeais pouvoir atteindre je ne sais quoi dans ce monde du cinéma, que j’avais tellement arrangé à ma sauce qu’il ne pouvait d’aucune manière s’adapter à ma vie, à mes moyens, à ma classe. Je me sentais du reste plus proche de tous les maudits écrivains, par leur inconfort dans le monde que je faisais mien. On marche avec prudence. Voilà donc ce temps du bilan qui approche, chacun à notre tour nous allons tomber dans le néant. Juste avant de sombrer dans cet atlantique inconnu, nous ressentons l’espèce de corvée ultime, celle de mesurer, de devoir prendre la taille des choix, des actes, des jours, des acquis, des élans, des constructions fictives, des positions avouables, des trouvailles innovantes ou des absences totales de trouvailles. Bref nous confronter à la mort générale, en nous remémorant les travaux de Nietzsche : « l’existence telle qu’elle est, privée de sens et de but, mais revenant inexorablement, sans trouver sa fin dans le néant : voilà l’éternel retour ». Je vivais un retour, tu m’amenas dans ce lieu où je vécus un désir de film, ou plutôt un enfouissement de ce désir tant ce lieu (le pensionnat) me paraissait à cent lieues de mes rêves. On dit bien ce genre de formule pour parler d’événements qu’on aimerait vivre ? Un rêve, oui j’ai fait un rêve parmi les milliards de rêves. Nous sommes allés à Margency. Le collège était toujours là, mais le bâtiment des dortoirs des petits avait été vendu pour faire un lotissement, et la maison que tu avais choisie pour ton film n’était plus rattachée à l’établissement, avait été rachetée par la mairie. Je voudrais bien raconter avec plus de détails ce que je ressentais, l’écriture nous commande cet effort du souvenir, mais je voudrais aussi réclamer le droit à l’image, aller sur les lieux, les montrer, être alors plus précis dans l’ambiance très rurale qui entourait la pension, montrer la forêt toute proche, le village si semblable à tous les villages en bordure de la capitale, et déjà si éloigné d’elle qu’on se méprend sur la distance qui nous sépare de la grande ville. Comme on sera surpris de vivre beaucoup plus tard à Mareuil-en-France au- dessus des pistes à peine lointaines de Roissy. L’histoire ne disparaît pas, elle a lieu en quelques instants dans l’impensable immensité du temps. Nous sommes encore là-bas, nous pouvons encore nous croiser, le temps n’a pas le temps et nous sommes déjà face au temps disparu, mort et enterré. Il faut laisser là toute vanité. Je baigne dans l’Ecclésiaste.

Oh oui ça donne un tout petit aperçu des deux cents pages.

 Cher Blog, cher journal les temps sont durs. J'attends la réponse pour le petit Duras. Ce serait formidable de le faire, et surtout pour boucler un truc avec Duras. Viendra un jour où je pourrai raconter la Folie Duras qui s'est emparée de nous.La prochaine fois peut être.


 

 

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3 avril 2019 3 03 /04 /avril /2019 10:05

Mais oui peu à peu nous nous rapprochons du départ. Mon ami Philippe Delessalle (L'époux de Simone Vannier) est parti il y a quelques jours juste après Dominique Noguez et avant Varda. D'autres justement comme Sabine Mamou qui fut une proche collaboratrice de Varda et la monteuse  de Jacques Demy et de Lanzmann,  une liste plus longue encore en ajoutant Hanoun.  Et tous les autres. Les anciens aussi les très anciens ceux qui m'ont formé, Cocteau, Bergman, Fellini, Antonioni. Certain avec qui j'ai fait quelques pas. Je me demande aujourd'hui quel film (de qui), j'attends. Oui je ne suis pas cinéphile, bien au contraire. Je vais au cinéma à reculons. Maintenant je fais des films pour moi seul. Je n'ai jamais eu le sens du public. Sauf lorsque je faisais de la publicité pour survivre. J'avais vingt ans.

Alors je n'attends rien du cinéma et d'ailleurs attendre quelque chose serait dérisoire vu qu'il n'y a plus rien ou pratiquement rien à attendre du cinéma. Varda est morte en grande pompe. Avec respect je me demande pourquoi. Mais il me semble qu'elle a toujours bénéficié d'un à priori favorable. Le doit elle à Demy ? Toute ma vie j'ai vécu proche de Varda. Jeunes on nous a imposé durant des années tous ses courts métrages et ceux de Resnais, Franju aussi ou Vilardebo. Et l'inévitable et merveilleux Chien Andalou.

Bunuel à part, nous nous étions tout de suite contre ces films qu'est ce que ça veut dire ? Nous pensions à  une autre manière de faire des films, nous étions imbibés de littérature, de peinture, de musique et nous trouvions que le 7ème art était une usurpation tant l'art était absent. Nous pensions peut être qu'il fallait se rapprocher du théâtre pour éviter le naturalisme. Nous avons échoué puisque tout aujourd'hui est naturalisme et psychologie d'ignorants qui veulent imposer par le biais du divertissement des idées absurdes sur notre vie quotidienne. Voyez tous les films qui sortent en ce moment. En avalanche. D'ailleurs qui paye ? Et qui bientôt décidera de notre liberté de création : les Dames et les messieurs sur les ronds points de France ? Ah les associations de cinéma courageuses se plaignent à nouveaux des vieilles rumeurs : on produit trop de films. Depuis l'après-guerre et surtout depuis la création des aides au cinéma et du fonds de soutien, les films premiers ou singuliers subissent des attaques permanentes de la part des distributeurs des salles et autres machines à diffuser du film. Trop de films pour les salles sans doute. La télé en fait elle vraiment des films ?  La télévision qui produit tous ces de films,  des films ? Mais surtout des bandes dessinées comme dans les années cinquante et qu'on appelle Série. Voir La source au cinéma le Vendôme avenue de l'opéra ou Senso dans la banlieue du 13ème, aussi Fellini du côté des Batignolles, Cocteau au cinéma Le Versailles à Versailles, Un soir un train place Blanche; toute une géographie imprime ces territoires dans le cerveau et trace un chemin de connaissance qui intègre la ville et ses perspectives, ces endroits inconnus, éloignés de nos centres de vie, ou la peur s'ajoute au désir de voir. Ainsi chacun organise sa projection secrète, celle de sa grande mort ou toutes ces salles et ces films viendront organiser une architecture inouïe dans l'instant fatal et illuminer nos morts de ces inimaginables pays (ceux des films), car chaque film qui se respecte est un pays, illuminer le noir irréversible. Tous ces morts l'ont ils ressentis ?

Je ne me souviens pas des projections des films d'Antonioni. Pourtant. Ce n'est pas un hasard : où Reporter,La nuit (aux Batignolles ?) et , Pasolini ? Bunuel était diffusé au Vivienne sur les grands boulevard. J'ai vu La nuit des forains au Studio 28 rue Lepic . Au quartier latin, en dehors de la rue Champolion pas trop de cinéma en fait. C'est plus tard que tout a éclaté avec les MK2 et tous les supercinéma.

Théorème avenue de Clichy je suis sûr, avec un court métrage de Duval. On était stupéfait de ce film de Duval accroché à celui de Pasolini. Alors sans doute faudrait t-il lorsque toute ma jeunesse s'est statufiée dans une même histoire celle de l'amour à la vie à la mort et celle des films. Une même vie d'amour d'une femme et d'amour du cinéma, une même histoire, oui indissociable. Et dans les rêves qui nous rapprochent de nos nuits cinématographiques, se retrouvent les villes, les corps, les psychoses de toutes sortes qui restituent à nos nocturnes errances ce passé indélébile.

Godard sur les champs-élysées au Triumph peut être ou bien dans ce petit cinéma dont j'ai oublié le nom et qui faisait des séances, le matin à 10 heures - En descendant les champs -élysée : c'était écrit comme ça dans la salle, sur les murs brun. Bon tout ça ne vous parle pas et j'en parle tout de même, toutes ces salles ont disparus et la manière de diffuser les films à bien changé, maintenant on les diffuse les uns derrière les autres et tant pis pour celui qui ne fait pas le poids minimum la première semaine et peut être, oui, il y en a trop ou bien ils sont trop mauvais. On dirait un ciné crochet où on élimine les réalisateurs tout de suite dès leurs premières images. Une bien mauvaise plaisanterie que tout ça.

Pour les nouvelles diffusions du net, je 'y connais rien mais tout le monde en parle. Et vraiment est-ce que ce sera la manière de faire des films et de les voir. Et quel film. Le sublime est mort, voyez la pauvre bête, elle baigne dans son sang et oui les chasseurs de nouvelles recettes viennent de déclarer la guerre au cinéma des auteurs, les vrais auteurs, c'est quoi donc un vrai auteur, tout le monde est un auteur. Sans doute. Proximité perdu, on les sentait prêts de nous ces auteurs, ces écrivains, là où on habitait, Sartre, Camus, Sollers, Robbe-Grillet,  tout le nouveau roman, les écrivains photographiés dans la rue justement. Ils était proches ils inspiraient les auteurs de films,  justement ils nous inspiraient on pensait  pouvoir les admirer et qu'on allait nous aussi comme Beckett faire des films absurdes ou comme Duras ou comme Straub, que les gens aimeraient et ça ferait la nouvelle culture de notre génération quoi. Un film comme L'homme qui ment je l'ai vu dans les cinés de Saint Lazare, un choc oui un choc, comme Marienbad, sans parler des Duras surtout Détruire dit-elle qui m'inspire toujours. Sans parler d'Hiroshima mais je n'ai jamais confondu Resnais et Duras. Alors Il est mort, il est mort qu'est-ce que tu en penses. C'est fini le cinéma de réflexions ou tout bonnement le cinéma d'art cinématographique celui de Bresson, de Pollet de Pialat, on peut dire d'autres noms ? Si il y a une telle ferveur autour de Varda (tant mieux) mais c'est parce que c'est l'ensevelissement d'un certain cinéma comme on dit, mais plutôt d'un cinéma incertain justement. L'héritage. des deux plus grands (on parle comme ça) Fellini et Bergman. Qu'en est-il ? Oui aujourd'hui les films ne sont pas populaires ils sont populistes et ils participent inconsciemment, les pauvres!, au retour des régimes honnis. Notre jeunesse a cohabité avec des durs  : au Chili, en Argentine, en Grèce, au Portugal, en Espagne on pensait que c'était fini ces tristes régimes, ces régimes du crime. Des droits de l'homme bafoués partout. Je ne parle que de l'Europe, sans citer les Russes et leur passé d'assassins rouges. Parlez en aux Autrichiens qui fautèrent, d'accord,  avec leur histoire avec Hitler. Mais le prix à payer fut lourd avec le passage de l'armée rouge.

Sont ils morts eux aussi ces dirigeants de ces armées d'épouvante ?  Le cinéma le vrai est menacé. Nous sommes noyés ai-je dit. Ces films populistes, toujours des comédies puisque c'est la mode aujourd'hui, il vaudrait mieux des films noirs, joués par une brochette d'acteurs toujours les mêmes. Ça tourne ça se renvoie l'ascenseur, ça marche du feu de Dieu et encore une fois qui paye. Moi je suis d'accord pour ne plus payer la redevance et ne plus aller au cinéma puisque c'est nous qui finançons un nombre important de ces nanars au travers de la taxe (tiens encore une taxe, bonne , peut être !) sur les billets payés pour voir les films. La TSA.

Ne payons plus rien.

Vive les communautés où je ne voudrais pas vivre. Mais vive quand même. Submergés par les films américains donc par les acteurs américains, mais nous ne voulons pas faire leur film, la solution est étrangement dans la rébellion des formes et du fond et pas dans l'imitation, on pourrait être d'accord avec une industrie forte et à côté selon d'autres principes un cinéma de la connaissance de l'intelligence. Il n'y a pas de cinéma européen par exemple, aucune opposition à Hollywood. Et voilà la vague le tsunami des jeux video et des images et des images sous toutes les formes de diffusion de feuilletons commerciaux.

Arrête papa, arrête, d'autant que tu n'es sur de rien c'est ta propre difficulté à être qui s'exprime; et les crItiques de cinéma les chercheurs tous ceux que tu as édité ils sont morts aussi comme leur cinéma qu'ils détaillaient avec talent et enrichissement pour celui qui les lisez où êtes vous, les revues du cinéma un peu sérieuses vous êtes écrasées par les plateaux de télévision débiles qui font la promotion de toutes les horreurs de notre temps. Heureusement : au hasard d'un film entrevu, heureusement il y a Desplechin. Parfois dans le système, une femme un homme. Il y a tant et tant de films de documentaires par exemple, un seul suffit pour sauver... quoi qui où et ses compléments. Un seul et c'est bon. On dit qu'on repart On dit qu'on se fait comprendre; car je sais sur les visages les signes de l'incompréhension,  les signes de la manière de désapprouver tout ce que je j'écris là. Il faudrait retrouver comme dit Régis Debré : Les anciens parapets. Chaque jour qui passe ajoute une plaie à mes  blessures.  

François Barat, Avril 2019.

Dernier film Raoul G. 47'. (2016) diffusion France 2.

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18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 12:26

 

Comme nous le constatons tous, le niveau du cinéma français vient de toucher le fond. le coeur ne me dit pas trop de vous ennuyer avec mes plaintes répétées. Alors je vous livre les premiers pages de mon livre à paraître chez Gallimard dans les toutes prochaines années ou bien chez un autre éditeur plus impatient. Ça change, mais pas vraiment vous le savez mes films ressemblent à mes livres, mes livres qui sont les décalcomanies de mes films. Et puis c'est l'été on peut prendre le temps de lire un peu. Par soucis de faire simple voilà les premières pages. Le livre en a 200. François Barat

 

 

 

 

L'imitation du clown

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque j’ai commencé à faire des films, j’ai pensé que j’allais vaincre la souffrance de l’écriture pour découvrir un monde à la mesure de mes incertitudes, de mes incapacités et de mes désirs. J’ai cru que je saurais exprimer les sentiments et donner une forme à ce que je voulais communiquer, une forme aux émotions qui allaient m’étreindre. Et pourtant, j’ai continué d’écrire. Autant l’écriture vit avec moi, autant le cinéma paraît éloigné, inconnu, énigmatique ; il m’enveloppe, m’envahit, sa seule pensée me comble et me trouble.

Dans la vieille maison du quartier parisien où j’habite avec mes parents, mes frères et ma sœur, quelqu’un annonce qu’on va aller au cinéma. Il faut tout un tas de raisons pour que cette petite phrase soit prononcée. C’est souvent le moment où les choses arrivent au bout des choses, comme si « aller au cinéma » préfigurait la fin d’un chapitre. Le moment où l’on tourne la page. Après le cinéma ce sera une autre vie. Oui, la décision d’aller voir un film est entourée de cérémonie et de transgression. On se frotte à un monde qui n’est pas tout à fait le nôtre. Dans mon milieu, voir des films appartient au monde de la paresse. Non seulement du superflu mais surtout un monde pour lequel un travailleur  honnête n’aura que de la méfiance.

 Il faut partir de ce point-là, celui du déclassement. Il faut dire que le cinéma appartient non pas aux classes dominantes, mais à tous. Nous revenons de ce spectacle remplis de déception. Ou remplis d’images dont on sait qu’elles ne traduisent pas la réalité. La maison est plongée dans une obscurité triste. Je dis : Je veux faire des films. Je veux faire des films. Qu’ils soient longs ou courts, l’intérêt de la chose, c’est de faire des films.

Le cinéma vient de la rue. Et ces rues de notre petite vie, de la vie primitive organisent un parc mystérieux. Les rues originelles sont celles de ce territoire de Paris qui forme un carré. Un carré ou plutôt un triangle. En haut, un boulevard qui va de Barbès à la place de Clichy ; en bas ou presque, la place Saint-Georges et une ligne droite qui va jusqu’à la gare Saint-Lazare ; et des artères qui coupent le triangle par de grandes coulées : la rue Blanche, la rue Pigalle, la rue de Clichy, la rue d’Amsterdam. Et tout autour, les frontières, les confins, les marches, les pays, l’étranger.

Les cinémas sont nombreux dans cette zone urbaine. De grandes façades illuminées, des petits couloirs, d’anciens dancings, des vieux théâtres, des cabarets. Déjà tout un décor en devanture venant rajouter au carnaval du film. La géométrie primale délimite un espace intérieur qui a des effets sur l’imaginaire, le cinéma s’empare de cette géométrie des premiers temps de la vie pour forger une image de base, une conception générale qui concerne l’état d’esprit dans lequel va progresser le désir du film. Le quartier s’organise comme un parc d’attractions en pleine ville, ville ouverte bien sûr, organisée par des codes obscurs, cachés, pour aller et venir de passages en passages, de corridors en corridors, de longs couloirs blêmes en longs couloirs blêmes qui font très peur comme celui de l’immeuble d’André Breton, ou le porche de Monsieur Belline, célèbre voyant, l’un en face de l’autre. Du côté de Monsieur Breton, le couloir ne semble partir vers aucune destination si ce n’est celle de l’oubli, du territoire perdu dans un rêve couleur blafarde. Le couloir baigne dans une lumière de miroir usagé, une blancheur sale, c’est à cause des verrières qui le couvrent en partie et qui laissent passer la lumière filtrée du jour parisien. Ce jour parisien avec lequel il faut vivre au jour le jour. Ciel invisible, pays invisible, rues et avenues et boulevards surtout, boulevards. Esplanade. Là, on marche en toute liberté. Aller au cinéma sur les boulevards et c’est la joie, la sensation d’être libre. Aux heures où tous travaillent, va au cinéma ! C’est pour ça, ce sentiment curieux d’être pris en faute lorsqu’on entre dans une salle de cinéma à des heures, disons, inhabituelles  pour voir un spectacle ? On sait que les théâtres de l’après-midi sont ceux du sexe, du strip-tease et autre parade. On le sait tout enfant qu’on est. Oui, on le sait sans savoir. On comprend que le cinéma permanent est une manière d’attirer le passant abandonné à son sort, le chômeur, le rebelle, le banni, le sans famille. Le cinéma permanent, c’est comme la révolution du même nom. Qui se souvient des cinéacs, ces petits cinémas où se déroulent en continu les actualités cinématographiques Pathé ou Gaumont, entrecoupées de burlesques américains ? Surtout celui de Saint-Lazare, sous les escaliers de la gare. Je crois que j’aime les Evangiles et particulièrement le miracle de Lazare, (mais aussi Marthe et sa sœur) à cause de ces cinémas  de fortune ou l’on voit des actus toute la journée. On croit que le cinéma appartient aux jeux interdits aux enfants. On ne pense pas au mot interdit, on sait seulement que c’est un autre monde, pas celui des enfants, ni même des adolescents. On s’étonne alors de vivre dans ces rues au milieu de cette activité curieuse, illégale. Jamais mes parents ne m’ont mis en garde, ils m’ont laissé libre d’aller et de venir sans me prévenir de quoi que ce soit. Pour eux aussi, tout ça paraît naturel, les filles, les boîtes de nuit, les néons, les photos dans les vitrines. On s’habitue, mais surtout on trouve les autres quartiers de Paris très ennuyeux, des sans vie, des pas de quartier. Le mien de quartier, je le ressens comme une fête foraine dans laquelle on déambule, à toutes les heures des vingt-quatre heures. Le voilà donc mon pays, ce réseau de rues qu’on dit chaudes. Il y a des baraques à frites, des hot-dogs extrêmes, des glaciers de rêves avec télés pour les matchs le dimanche, le premier restaurant à restauration rapide : le Wimpy. Et puis, en face du Wimpy, place Blanche, le premier Monoprix, c’est la terre promise ! Faut le dire. Ce sera toujours un obstacle glorieux, cette ville, cette  ville grandiose. On va vers le Gaumont Palace, on va vers l'histoire elle aussi grandiose. Je me souviens de l’immense écran, le plus grand d’Europe ! Je me souviens des pieds de l’homme Dieu, de l’eau qu’il tend dans un gobelet (sans qu’on le voie) à Charlton Heston, visage grillé par le soleil et dont les yeux bleus si bleus, si incroyablement bleus sous le maquillage, m’apprendront à tout jamais la force du hors-champ. Et puis il y eut les grottes des lépreux. Je ne peux plus les oublier. Je vais mourir avec l’image de cette vallée de la maladie qui deviendra la vallée du miracle, et le miracle c'est le cinéma. Le cinéma c’est parfois grandiose comme  ce Ben- Hur. Aujourd’hui encore, je marche vers l’immense salle de cinéma, celle où sans doute l’éternité nous rejoindra, où nous serons pour toujours dans le recueillement d'un spectacle permanent. Cette salle splendide donnait à notre déplacement une allure de richesse, de fête de luxe quelle que soit la place que nous occupions : orchestre, mezzanine, balcon premier ou deuxième, magnifique lieu à la grande fresque sur le mur représentant Charlie Chaplin. Où est-elle cette image si imposante ? Qui a récupéré Charlot cubiste ? Vous comprenez pourquoi beaucoup de ces chères salles de l’oubli du malheur s’appellent Eden. Pourquoi je suis dans la compassion de moi-même. Ben-Hur, bien sûr aujourd’hui, nous nous souvenons de ces images comme je me souviens de ce beau livre d’images que j’aimerais tant retrouver  : il s’appelait Bleu et racontait l’histoire d’une jeune fille pauvre qui, vivant dans la ville basse, allait faire des travaux de couture dans la ville haute jusqu'à ce que tout le petit monde de la jeune fille soit emporté dans le ciel, dans le bleu du ciel ! Je crois que c’est un conte russe, avec un lapin jongleur.

Nous sommes alors des esclaves modernes, nous entrons dans la dépendance, notre jugement est altéré. À quel moment s’opère la confusion entre la vie et la vie cinématographique ? J’ai vu mon premier film. Je suis monté par la rue Lepic, là où ma mère chaque jour consciencieusement va faire son marché, ses commissions (on disait « aller faire les commissions »). Boutiques fermées, charrettes recouvertes de toile cirée. 

Je suis un spectateur global.

Je marche vers le haut de la rue ; c’est une rue pentue, je la connais, je vais avec maman par ce chemin vers le Sacré-Cœur de Montmartre. Et puis encore et encore. Un jour, on va voir mon frère peindre les rues du vieux quartier, Le Lapin agile, les coins de rues qui vont vers la place du Tertre. Le tertre, c’est- à- dire le haut lieu, comme le haut mal. Enfin, ce sont des endroits que je parcours avec ma mère. Ainsi je suis en sécurité, j’ai quoi,  treize ou quatorze ans ?

Le cinéma porte toujours le même nom : Studio 28. Je vois un film qui m’étripe, qui m’écorche comme le lapin suspendu aux portes des granges des fermes du Vexin, un film qui m’engouffre dans le soleil noir de ma mélancolie déjà active : La nuit des forains. Plus tard, Worth dira que cela avait été le moment, le déclic, l’instant, la descente du Saint-Esprit, c’est comme ça que ça se passe, il descend soudainement sur vous, à l’improviste.

À cette époque, nous n’avions pas vraiment connaissance de ce que c’était le cinéma. On ne savait rien de rien. C’était une autre planète, des autres gens qui ne vivaient pas comme nous et qui faisaient ce spectacle, ils vivaient, on ne sait où, et d’une manière que la morale en général réprouvait. Il y avait des petites fiches à l’église, près de la sacristie, qui donnaient l’avis de l’Eglise sur les spectacles cinématographiques, des fiches de couleurs rose pour les films destinés à toute la famille, et d’autres couleurs pour ceux réservés aux adultes et pour les films interdits. D’une certaine manière, on pourrait dire que c’était une façon de nous informer de la vie du cinéma. Mais rien pour savoir au juste ce que c’était que le cinéma. Rien au sujet de sa fabrication, rien sur les studios, rien sur les acteurs rien sur la technique, rien sur le montage, rien rien rien. On comprend mieux l’extrême fascination ressentie devant les films américains, devant la reconstitution en général. Rien pour comparer, rien pour se faire une opinion, rien que notre sensibilité et la grâce.

Nous avons vu dans le quartier tous les films de la cinémathèque sans savoir que les réalisateurs seraient les vedettes de la future cinéphilie, d’ailleurs nous ne pensions pas qu’il y eût des réalisateurs, on pensait que tout cela se faisait tout seul, d’une certaine manière nous ne nous interrogions pas sur la fabrication des films, nous les prenions au premier degré comme un paysage naturel. Et ce film-là de Bergman que je ne connaissais pas, cette Nuit des forains, ouvrit la porte de la compréhension de la fabrication. À quoi cela tient-il ? A ce que je voyais pour la première fois la mise en scène. Et pourquoi voyais-je dans ce film la mise en scène ? Parce que tout à coup je  voyais le cinéma, ou plutôt je décryptais le cinéma, il entrait en moi à la manière d’un musicien dont l’oreille devient absolue et de la même manière dont tous les sons se détachent, là, tous les plans se détachaient dans mon esprit, je pouvais m’en souvenir, je pouvais les décrire autrement que par des constatations psychologiques, je pouvais analyser le film par le temps et par l’espace. Le temps et l’espace m’étaient révélés.

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5 juin 2018 2 05 /06 /juin /2018 09:12
  1. On ose pas. C'est le souci grandissant. Déjà souvent revenir sur les manières de célébrer tous les mauvais films sur toutes les radios de France. Les adjectifs sont les plus hirsutes possibles pour vanter les qualités des nanars français qui viennent d'ailleurs de s'écraser un max sur les marches du festival de Cannes. On en a assez de chercher à comprendre pourquoi tout ces films sont nuls. On laisse tomber et on continue de penser que le seul génie c'est  Godard. Il a eu un grand prix au Festival. On se demande qui fait quoi là-bas. On sent le roussi. La fatigue bien compréhensible. Il y a tant de manières d'être envahi par les films partout et sur tous les supports, alors les festivals vont peu à peu disparaître. Comme ils sont trop nombreux et qu'ils n'ont aucun effet sur les créateurs on ne regrettera rien. Sauf si des lieux libres émergent pour accueillir les films libres. Lorsqu'on voit les images lamentables de Mai 68 à Cannes et celles à Nanterre des états généraux du cinéma, dont les cinéastes n'ont même pas étaient capables d'investir le CNC, comme les écrivains ont occupé la SGDL, sans que ça serve vraiment. Tout ces vieux cons n'ont pas fait le poids avec la classe ouvrière. Vite dès la fin du mois de Mai, tous les cinéastes avec le retour de l'essence ont fait leur retour chez leur producteur qui n'en pouvait plus de la suspension des tournages. Même le génie Godard ne s'est pas illustré dans cette affaire même si dans les années qui suivent il a vite sombrer dans le mauvais film militant et peu à peu dans la précarité qui l'a forcé à revenir vers le cinéma industriels dont il a toujours su soutirer la sublime moelle. Oh j'ai des mauvaises pensées, comme je pense que la République Française doit récupérer ses enfants perdus égarés et criminels. C'est son devoir sans réfléchir. Nous devons récupérer les femmes et les enfants de l'IRAK, de la Syrie et de tous ces pays où ils sont devenus des terroristes et sans doute des assassins. Qui peut dire que les justices de ces pays sont légitimes, les sots et les lâches. Et ceux qui ne sont pas des patriotes, qui ne sont pas des révolutionnaires et qui sont seulement des donneurs de leçons. Que deviendront ils ? Ou, que deviendront leurs enfants ? Qui le sait ? Et la République qu'a t-elle offert à ses enfants perdus ? Et comment peut on prendre des petits sous aux retraités, c'est une rupture du contrat social, et sans discussion, ni argument. C'est une faute comme ils disent des actes de Monsieur Trump. La souveraineté des juridictions irakiennes, on a honte de cette  prise de position. Avec le nouveau pouvoir qui ne veut voir aucune tête dépasser et bien les têtes dépasseront. Sans procès d'intention. On va réformer le train électrique de notre enfance, oui. Et puis la formation professionnelle, oui. Et puis plein d'autres choses qui ont traîné chez les anciens, ces paresseux ! On peut être d'accord.. et puis voilà la télé. Là il n'y a rien à espérer pour les artistes, les peintres, les musiciens de musique savante, les sculpteurs, les écrivains, les cinéastes performeurs. A moins q' on produise plus d'oeuvres singulières, à des heures correctes  ou même tard. Qu'on arrive à mettre en place une grande grille ouverte à tous. Mais ça va être sordide... Je me suis réveillé vers cinq heures du matin pour voir mon film Raoul G diffusé sur FR2. C'est une expérience. Il n'y a pas d'heure pour Raoul. Et puis parfois il vaut mieux que ça passe tard. Et puis dernièrement en Mai ! je ne me suis pas couché pour voir mon autre film Oublier Duras, rediffusé vers 00H20. Et mes films vont bien avec la nuit des veilleurs. Puisque ces films sont des petites veilleuses, à peine visibles. Je vois aussi des films justement sur Mai 68. Des émissions sur tout le tatouin du cinéma - voir plus haut - mais ces films sont des films de militants amateurs qui recueillent la parole des opprimés. Je revois Les enfants du gouvernement, un film du Grec sur les filles-mères comme on disait. La parole de ces jeune femmes libres déchirent notre conscience et nous fait mesurer l'état de misère de la France en 68 et la force du document direct. Donc on voit des films admirables comme celui de Danielle Jaeggi et Ody Roos ou ceux de Claudia Alemann et ceux de Carole Roussopoulos et beaucoup d'autres sauvés par le numérique et les associations ou les institutions conscientes de leurs responsabilités de nos mémoires. Pour mémoire je tourne en ce moment un curieux film sur les travaux dans mon appartement. Car plus on devient un peu abstrait un peu éloigné ou beaucoup éloigné des chemins de la production industrielle on ne trouve plus de financement, ni de débouchés, et c'est bien fait pour nous qui n'avons pas su apprendre dans nos merveilleuses écoles de cinéma à faire du cinéma pour le public tant chéri par tous ceux et celles qui parlent donc à longueur d'ondes de leurs merveilleux films plus merveilleux que le dernier et moins merveilleux encore que le prochain. Alors là on ne demande pas le silence pour tourner on réclame le bruit et la fureur, car les ouvriers du bâtiments s'y entendent pour réveiller les murs de nos appartements. Et perturber tout le monde. Et les personnes âgées qui sont condamnées à résidence. Le film a un devis élevé, il a fallu acheter les pièces mitoyennes et puis tous les travaux de rénovation. Les nouveaux meubles. Ça fait un budget. Et percer le mur, ça ça fait peur surtout les machines à découper les murs porteurs et tout ça au huitième étage. Tourner et pour les travaux eux mêmes l'impression de faire la direction de production d'un film. Le scénario est piètre. Mais je vais mélanger ces travaux à d'autres rushes de notre maison, de l'appartement de Bastia qui nous a valu une vaste dépression, de notre voyage à Ein Guedi un kibboutz gigantesque au bord de la mer morte. Des choses comme ça. On rigole de ces petites caméras, on les critique et je vois que dans Oublier Duras par exemple beaucoup d'images sont faites avec elle, je suis seule avec elle, ah la belle que voilà. Toi ma petite si fidèle si en harmonie avec mon corps que jamais au monde je ne te prêterai. Je l'ai fait une fois et tu m'es revenue changée mais en bien je l'avoue tu es passée du format carré au format disons professionnel par une pression sur une commande que je ne connaissais pas. Alors j'imagine que j'ai beaucoup encore à apprendre sur toi. Depuis plus de dix ans tu ne quittes pas mes yeux ou mes mains. Je reconnais ton souffle dès que je te touche comme il le faut. Combien de films as tu fait avec moi ? Des dizaines, des centaines de fragments. rangés les uns à côté des autres. Tag le film Tag tu l'as entièrement fait toute seule. En partie en Suisse et en partie aux reculettes. Tu as gardé la trace de la foudre abattue sur Annie. Je t'ai avec moi pour tourner le film sur Augustin Lesage ce peintre de l'art brut qui nous a tant protégé et que nous avons tant aimé. Chaque jour nous faisons des images, et des petits sons, car tu es moins sonore que photographe. Tu apparais même dans les mains de Marie dans une prise étrange au cours du film Raoul G. Celui qui est passé si tard dans la nuit. Tu es discrète sur tes performances. Ma productrice, car j'ai une productrice, a pour toi parfois des emportements professionnels et elle voudrait bien que je noue des relations amoureuses plus performantes avec les reines des caméras les Rouges. J'ai connu les vieux cameflex avec blimp, j'ai tourné avec la Mitchell celle d'Hollywood, j'ai connu les belles endimanchée au doux nom égyptiens, et puis l'admirable Eclair 16, et la Super et les Paillard Bolex et les Arriflex 35 et les Beaulieu magnifiques et sportives que de maîtresses performantes et pros pros pros, qui savaient tout de cet amour impeccable. Mais toi ma toute petite tu les vaux toutes à toi toute seule : Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés, la belle que voilà ira les ramasser. Reste avec moi.

François Barat Juin 2018

 

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18 octobre 2017 3 18 /10 /octobre /2017 09:01

A quoi attribuer la débâcle du cinéma français, tous les films qui ont été présentés au public depuis la fin de l'été ont vu leurs salles désertées, que ce soit avec des stars comme Deneuve et Depardieu dont on ne sait pas le sens de leur travail, ou le film de Téchiné André dont on ne voit pas non plus le projet ou celui qui semble ridicule de Cantet qui n'intéresse personne et qui semble lui, ne rien savoir de son sujet, avec un titre suicidaire L'atelier !

Enfin une longue liste d'échec ce qui n'est pas en soit honteux mais une telle hécatombe pose le problème de la création française du cinéma et le problème de ceux qui en sont responsables depuis de nombreuses années : les producteurs dont l'image paraît un peu bousculée en ce moment.

Personne pour voir la comédie sur le génie de Godard vu par Hazanavicius Michel, qui pérore sur toutes les télés et radios accompagné par l'éternel Garrel; et Cannes alors Cannes, ils ont réussi à sectionner le film de Campillo sur l'immense travail militant des militants contre le sida qui nous rappelle tous nos amis qui sont partis et qui nous manquent. Et qui a donc mobilisé correctement les mobilisables.

Mais ces petites recettes médiocres doivent sans doute suffire puisque ces réalisateurs occupent chacun leur tour les écrans.

Comment faites vous pour produire ces films et qui vous donnent les sous? Et le fameux Le sens de la fête, écroulé.. là aussi le titre paraît insensé et le fameux film Chocolat mais qui a eu l'idée d'une telle bêtise ?? Gauguin qui peut penser que cela va trouver un public, si encore ces films étaient comme on disait autrefois des films maudits mais non, les réalisateurs souhaitent faire des films qui puissent plaire à leur public, ils ne font pas des films d'avant garde, on comprendrait mieux, on approuverait même (Peut être!).

 Mais là il n'y a rien à défendre.

Les propos de tous ces réalisateurs sont affligeants lorsque l'on tombe sur les entretiens qu'ils donnent aux médias. Le film de Noémie Lvovski, talentueuse, n'est plus à l'écran, et Karl Marx mais pourquoi Karl Max, on n'a pas à se révolter en ce moment en France pour d'autres choses que faire ressurgir ce fantôme de Marx ? Et Besson, et si Besson prend l'eau, là on est à la ramasse totale, d'autant que c'est le succès de ces films qui permettent de faire des films plus risqués ou moins bien dotés, financés ou plus exigeants, ou plus profonds. Beau et étrange système, encore !

Sans doute certain sortiront du tiroir un ou deux ou trois films, à la fois formidables et qui auront aussi été correctement vus. Est-ce que le système de sortie des films est un bon système, tous ils s'étouffent les uns les autres et créent un système de haine des artistes contre eux-mêmes. Un beau soleil intérieur de Claire Denis passe au rouleau compresseur et voilà, elle aussi.

Ainsi il est trop tard ça déborde de partout et l'inondation de l'erreur totale a surpris le cinéma français. Nos années folles seraient vraiment derrière nous?

Il semble que le film campagnard recueille encore des spectateurs, les blés, le terroir, la vie à la ferme, le film Bio. On craint le retour du refoulé. C'est peu dire. Et c'est inquiétant. On a donc encore raison de se révolter.  Il y a une bonne formule qui marche encore : Otez moi d'un doute.

François Barat.

Dernier livre paru : Discours tombé des rushes. Editions Manucius.

Diffusion du film de FB : Raoul G. sur France 2, une nuit en décembre 2017

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23 août 2017 3 23 /08 /août /2017 15:37

Quant, comme je l'ai fait on a produit Le Camion de Marguerite Duras, on ne peut qu'être curieux du portrait de Godard par le cinéaste Michel Hazanavicius. Portrait d'un certain Monsieur G, cinéaste des années 70, avant et après. Et Le camion est  aussi un auto portrait par la cinéaste elle-même.

Depuis un certain nombre de mois, depuis Cannes en fait, on sens chez Hazanavicius une certaine peur, celle qui ferait croire aux spectateurs éventuels que Hazanavicius aimerait Godard et le cinéma  de la déconstruction. Alors le cinéaste s'emploie à bien préciser, ou plutôt à mal argumenter que son film est une comédie qui doit faire rigoler tout le monde, une sorte de De Funés filmé durant un cours de Rolland Barthes. Les propos sur la technique générale du cinéaste portraitiste consiste à enfiler une suite de perles archies banales en essayant de nous faire croire qu'il aurait tellement bosser qu'il pourrait au fond faire un film de Godard sur la vie de Godard. Il connait sur le bout des doigts les grands principes qu'on trouve chez Godard, il connait les tics et les vices du Maitre et surtout il connait ce qu'il n'est pas loin de croire que Mai 68 ce fut une escroquerie. Longtemps dans ma jeunesse on s'en est pris à Godard. On n'arrivait pas à rencontrer des gens de cinéma sans qu'une espèce de haine ne s'exprime sur Godard. Dans le petit cercle des cahiers du cinéma et des Champ Elysées, il devait y avoir quelques défenseurs de cet homme mais comme pour le Nouveau Roman on ne trouvait pas beaucoup d'amateurs de Simon Pinget Robbe-Grillet Becket (j'ai vu ses pièces dans des salles vides et apeurées) et donc Marguerite Duras. Encore qu'à L'IDHEC où j'ai recommencé une sorte de carrière en 1982 Godard avait du prestige et Duras faisait pleurer de rire. Il arrive qu'on prenne des artistes pour des clowns ! Ce cinéaste pourquoi adapte t-il ce livre de la fiancée de Godard ? Lisons son livre à Anne Wiazemsky, c'est mieux. Le camion de Duras - et là aussi ça a fait rigoler - n'a pas de scénario écrit. Elle écrivait le texte le sien et celui de Depardieu au jour le jour. Duras faisait un cinéma contre le cinéma de Michel Hazanavicius comme Godard. Il parait que ce cinéaste prépare un portrait de Garrel, en forme de clochard des idées qui traînent partout et d'illuminé financé par de riches héritières. C'est possible. Mais Michel Hazanavicius ne devrait pas se donner tant de mal pour faire croire à ce qu'on ne va pas voir. Et pourquoi après des réussites et de bons gros échecs s'est-il lancé dans cette oeuvre de démolition. Mais je n'ai pas vu le film. Parait que le fils Garrel parle comme Godard, qu'on dirait Godard, vous vous rendez compte, encore heureux que Godard soit vivant ! Qu'aurait pensé Van Gogh du film de Pialat et La reine Margot de celui de Chereau pas très catholique avec l'histoire. Mais mais mais le joli Mai, le voilà revenu qu'ils le veuillent ou non, ce fut notre joie, notre cri, notre vie et on a renversé toutes les valeurs gaullistes de cette époque pourrie, celle du temps du SAC et de La FranceAfrique et à fric. Oh Godard n'est pas un ange de clarté politique. Alors pardonnons lui et à Michel aussi les offenses comme à ceux qui parfois nous ont offensé. 

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17 juillet 2017 1 17 /07 /juillet /2017 18:09

Nous avons donc vieilli. Et ce matin de Juillet après toutes les émotions du 14, nous nous sommes dits à la maison : nous sommes vieux. Et parce que nous sommes vieux il faut essayer de dire nos dernières volontés et me concernant mes dernières volontés au sujet du cinéma et de la manière de pratiquer cet art qui peu à peu est en train de disparaître comme les grands fauves, mes dernières volontés consistent à ranger mes petits films sur une étagère. Pour qu'ils deviennent d'étranges fleurs. Ce n'est pas nouveau que j'annonce le déluge et l'urgence de fabriquer une Arche vite fait bien fait. Mais le naufrage annoncé n'offre pas de soudaines révélations et de soudaines décisions qui pourraient transformer la manière de faire des films. C'est aussi un vieux sujet. Le même que celui que je me posais à quinze ans, il y a maintenant cent ans. C'est à dire presque au début du cinéma. Oh je me plains oui je me plains, certains diront il est un peu gonflé le Barat, il vient de terminer un petit film qui va passer la nuit sur France 2 avant la fin de l'année. Les fidèles ont entendu ou plutôt lu des choses sur ce film si ils lisent le blog précédent. Sans doute fait dans l'euphorie LSD du tournage. Et puis ça retombe comme et puis le montage fut aussi un exploit puisque je ne pouvais me déplacer à Nancy auprès de mon cher Bernard Batz le rêve de monteur. On a tout fait par mail et par envoi extraport ou quelque chose comme ça. C'est possible. Bref je ne devrais pas me plaindre, de plus le film vient de passer sur Via Stella en Corse le pays de ma productrice, et tout ça c'est que du bonheur. Alors où est-ce que ça coince ? Le film lui même qui présente des étrangetés théoriques qui ne rencontrent pas d'échos, mais qui usent l'idée de faire des films et qui essaient de les faire autrement. Autrement quoi ? Dans un esprit de liberté, oui. Oui mais aussi dans un esprit d'inspiration solitaire. Il n'a pas de public bien défini ce film. Il ne correspond plus tout à fait à la couleur du temps, bien que le temps semble virer aux réformes en tout genre et dare dare. Et donc si on réformait aussi le cinéma. Du côté des professionnels et des syndicats c'est fini, de ce  côté-là tout est consommé pour les films du commerce, du divertissement et les gros films genre films de Cannes qui se prennent pour des films d'Art et d'Essai mais ces termes ont disparu aussi ce sont des films tout court plus profonds pensent- ils ? Mais à force de jouer avec les gros films très public, les cinéastes, ils perdent tout. Qui va les voir ? Personne. Que c'est-il passé avec le film sur Rodin ? Et Garrel ? Il tourne, il travaille l'art pour l'art, c'est ma solution aussi. Tous les films un peu sérieux tombent dans le gouffre et Ulysse a perdu pied et Ithaque est introuvable. Alors donc : La révolution c'est faire, aussi, la révolution dans le cinéma avec le cinéma. Il semble qu'il soit difficile de faire des films libres sans s'attirer les foudres de l'administration culturelle. Faire des films libres c'est évidemment risquer de n'avoir aucune aide financière, c'est aussi la nécessaire aptitude à une création plus engagée, neuve, déroutante, politique et artistique. Casser les formes, proposer d'autres récits, d'autres styles, fuir les produits calibrés que deviennent peu à peu tous les films. Nous sommes dans une régression si importante que nous nous retrouvons bien avant les avancées des années 70. Et puis les spectateurs désertent ces films car leur conscience n'existe plus et la cécité devient le handicap des spectateurs des films. Tout ça c'est du bla bla. Y a qu'à faire ce qu'on veut, après tout, les rois et reines de You Tube font bien des millions de vues comme on dit. Les jeunes cinéastes doivent arriver à faire des films avec l'aide des sous de la profession et les aides en Région et les sofica et les fonds de soutien et les crédits d'impôts et avec les princes de la création : les télévisions. Que veulent les télés ? Regardes les programmes ! Et c'est normal. On peut pas leur demander la lune. C'est donc sans doute fini de ce côté-là, ils m'écrivent même qu'ils ne font plus de portraits d'artistes, que ça ne leur plait pas ni à eux ni à leur public. il y a bien quelques rares émissions culturelles un peu nulles d'ailleurs et voilà. Que peuvent faire les auteurs de films de ceux qui cherchent le cinéma pas Polanski pas Besson pas toute la clique de petits maîtres dont le cinéma français a le secret car le  secret c'est qu'il y a beaucoup d'argent pour ces petites dramatiques ou comédies à l'eau de rose, de science fiction. Le système d'épargne en tout genre du cinéma français arrose les productions médiocres, toutes les productions car elles sont sans doutes toutes médiocres. Je les vois de temps en temps à la télé. Je viens de voir Camping 3. Je vous demande de voir ce film. Les vieux que nous sommes se sont dit ça n'a pas pu vraiment marcher, le niveau est plus qu'affligeant et nos vieux comédiens nous font honte. Mais si ! Je cherche les chiffres et ça a marché du tonnerre de Dieu. Il ferait bien de se réveiller ou de s'endormir un peu. Evidemment je n'ai aucun argument, je n'ai aucune preuve de ce que j'avance, je n'organise pas ma pensée, je livre une appréciation brutale, toute faite de mauvaise foi, de mauvaise volonté, de dégout et de renonciation peut être. Il y aurait t-il une sorte d'envie, de jalousie ? De déception ? Des sentiments aussi bas que la bassesse des films eux mêmes. Mais de qui de quoi parlez vous à la fin ? Fraternité, elle a disparu, fraternité dans la conception particulière des films, les remettre sur la voie des arts, raccrocher les films aux oeuvres littéraires, musicales, à Chopin, à Mozart, à Racine, à Van Gogh, à la chaîne illustre de la non représentation, fuir la psychologie, réintégrer le hasard et le souffle de la vie mystérieuse de l'art. Le cinéma aujourd'hui est dans l'idéologie du supermarché, autant et pas plus. Les salles se rénovent se construisent parce que le spectacle renait accompagné par le monde de la chanson qui lui aussi à tout cédé au commerce. Il n'y aura pas d'espoir si on ne crée pas une Institution digne de proposer un travail cinématographique autre que les films produits par le monde marchand. Cette institution existait; elle s'appelait l'INA. C'était dans les années 70. Et avant moins précise il y avait le Service de recherche de la RTF de Scheffer. Très actif, très actives les deux institutions. L'ordre ou le désordre du commerce ont eu raison de leur travail. Et l'éclatement de L'ORTF. Un peu comme si on faisait disparaître les Orchestres pour libérer le champ, le chant, à des musiques music hall uniquement. La tache de ces services face à la montée commerciales de toutes choses fut difficile. Chacun pourra y aller voir. Mais le courage aidant d'autres petites structures prirent le relais. Particulièrement Le GREC, le Groupe de Recherches et d'Essais cinématographiques dont l'activité aujourd'hui ne cesse de se développer, ainsi que des initiatives régionales comme ce que fit Allio à Marseille durant quelques années, il ne fut pas le seul. Bref il y a du turbain mon copain. Un lieu de fraternité, et de liberté, et aussi d'égalité. Il manque un peu d'égalité dans le cinéma, pour que les auteurs de films qui tournent pas mal de films puissent cesser d'envahir les écrans. Mais si il n'y a pas de spectateurs ? Car le goût des films ultra contemporains, savants , l'éducation pour aimer la disparition de la fiction par exemple ou de l'effet de réalité, ou de la reconstitution qui élimine toute originalité dans l'élaboration d'un scénario imaginaire, semble perdu. Tout passe à la télévision et ces outils nouveaux vont absorber des tas de films, de séries, des feuilletons et tout deviendra une bouillie insensée et irréversible. Nous, nous marcherons sur les pas de Rimbaud. L'esbrouffe professionnelle et technique dissimule la vacuité du sujet, leur inexistence, leur solitude dans l'ignorance des démarches qui joignent la qualité artistique et la dimension des idées. Le bien fait, le comme dans la vie, sans rupture avec la rue d'où on vient ou des problèmes terre terre à terre que l'on vit, oui c'est bien comme ça que ça se passe, et le spectateur est rendu au mépris qu'on a de lui. Car on ne parle que de lui, on fait tout pour lui ; ah le spectateur : la manne ! Comme cette phrase d'une imbécilité très profonde : une histoire une histoires une histoire et une bonne ! Ah les idées voilà bien ce qui manque. Les idées ce n'est pas une belle lumière, des beaux effets spéciaux, de beaux comédiens, de beaux décors, une idée de cinéma c'est une chose ignorée, une chose introuvable et recherchée. Les maîtres du passé avaient plutôt des idées et une technique approximative, correcte pour affronter les écrans du monde ou des villages mais correcte voilà tout. Et puis ils avaient accepté les codes du studio de la décoration un peu bricolée, et puis les petits chefs du cinéma nouveau ont grâce à la technique elle aussi nouvelle, abandonné le studio pour les décors de tous les jours, la plage, les rues, les brasseries, les champs, et tutti frutti. Ça a donné un petit air de complicité avec les mal foutus, les décors de banlieue ou d'usine, ou les intérieurs de gens simples, on les prenait parfois comme figurants chez eux, c'était plus commode, mais aujourd'hui on a franchi le pas et on tourne Galaxie. Il y a des grilles de salaires, que les productions doivent suivre : dans l'art cinématographique. Exemple de nouveaux accords : un réalisateur débutant doit toucher autour de 8000 euros par mois. Pourquoi ? Mais on on risque d'y perdre la tête si on entre dans ces discussions absurdes. Il semble que ce soit du fait que le cinéma soit beaucoup aidé par la taxe que paye chaque spectateur qui va voir un film. De l'argent public reversé aux professionnels. A tous les pros, les productions, les salles, les distributeurs, certaines associations. Alors on oblige à des règles de branches, c'est à la mode. Mais miracle il y a des dérogations pour les petits, les sans le sous, qui se sont battus ceux qui ont des devis entre un million d'euros et deux ou trois… Négociations possibles. On comprend pourquoi c'est mieux d'être un ouvrier dans le cinéma que dans les mines de charbon. Alors où sont les maîtres ? Depuis dix ans, quel film a compté vraiment ? Pas seulement en marge mais au centre de l'innovation et de la créativité ou de la profondeur du propos qui autorise que l'on puisse mieux réfléchir à notre destin à nos croyances à nos engagements artistiques et humains, quel film ? J'attends. Mais tout vient de l'idée du cinéma que se font les producteurs, plus que les auteurs, car sans producteur ayant un point de vue sur l'état esthétique du cinéma alors aucune chance de voir Visconti, Bergman, Bresson, Duras, Straub, Pasolini, Godard. Rien de ces génies durs avec eux-mêmes et de  leurs homologues de leur génération (Antonioni), ne serait produit aujourd'hui. Faute à qui. J'écoutais Jean Sorel à la radio, il parlait de sa carrière, et de Bunuel par exemple. On comprenait la différence, l'autre monde, et Sorel a fait un tas de films, il sait ceux qui appartiennent aux génies comme Sandra de Visconti ou Belle de Jour que Bunuel a bien voulu tourner pour offrir un appartement à son fils. Avec leur talent immense, ces hommes savaient aussi retirer du cinéma des subsides importants, car le cinéma est ainsi fait, qu'il est un casino de l'art. Aujourd'hui personne ne tient à voir les films de Don Luis. Belle de jour ressort en version restaurée on verra La nouvelle vague a lancé le nouveau vague. Et c'est bien triste. Est-ce qu'on attend comme on attendait le dernier film de Rhomer  ou de Rivette, ce dernier ne faisant pratiquement plus de lecteurs. Il est mort dans une espèce d'indifférence de génération terrifiante. Les jeunes cinéastes courent à corps perdu vers on ne sait quoi. Quel est le sens de tous ces films toujours plus nombreux toujours moins inscrits dans une éventuelle histoire du cinéma, une hypothétique histoire du cinéma. Car il serait plus juste de réfléchir sur l'histoire de chaque cinéaste et de mettre en perspective leur travail. Nous on va mourir sans avoir vraiment compris les démarches cinématographiques, sans avoir trouvé nos critiques éclairés et éclairant ou nos chercheurs imposant leur recherche. On subit la pluie diluvienne des commentaires des médias qui trinquent avec tout ce que le cinéma a de plus démagogique. Ils écrasent alors l'éducation en générale du spectateur. Le théâtre n'a pas fait école auprès du cinématographe. Evidemment il y a aussi une question d'engouement, moi je n'aime pas Haneke, par exemple mais d'autres sont subjugués, je trouve les Dardennes assez nuls mais pas toujours, beaucoup de leurs films laissent perplexe et la liste peut s'allonger, Téchiné qu'on a beaucoup suivi dans les années 70, que fait-il vraiment : du cinéma ? Que serait une politique culturelle du cinéma, devons nous encore soutenir les films, jouer la décentralisation et que font Gaumont ou Pathé comme le font les grands éditeurs et les petits aussi. Et la télévision : seules les émissions de courts métrages tentent des recherches, offrent des ouvertures à des auteurs différents. Bon voilà, on a rien résolu. On reste dans l'hébétude active. Gaumont ai-je dit, oui Toscan du Plantier nous avait aidé à produire Marguerite Duras. Et ne faudrait-il pas ouvrir de nouveaux guichets, et que font donc les télés, celles publiques, ne deviennent-t-elles pas des toilettes publiques ? Je ne crois pas aux tables rondes, aux réunions autour de Lois sur ou pour la création. Je crois à la responsabilité des structures, à leur soutien et à leur développement et à la simplification des procédures d'aides. Vais- je faire un nouveau film parmi mes sœurs et frères en cinéma. Ma productrice aura-telle encore l'envie d'avoir envie et le courage de s'affronter à "tous", pour quel profit, celui de la joie d'être dans une vie qu'on choisit ? Pourquoi pas ? Réfléchissons à Cézanne, relisons ses lettres avec Zola comme la radio en ce moment nous y invite et faisons des films approximatifs, maladroits, incertains et contestataires de la beauté technique qui est une forme détournée du machisme. 

François Barat

 

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